Baccalauréat 2019 : en conscience, ils ont refusé d’obéir…

Baccalauréat 2019 : en conscience, ils ont refusé d’obéir…

Alain Refalo, enseignant du 1er degré, et militant de l’écologie et de la non-violence, affirme en conscience et en responsabilité qu’il n’y a plus que la désobéissance pour alerter sur la nécessité de stopper la politique éducative injuste d’un gouvernement sourd à la concertation. Dont acte.

10
ans après le mouvement des enseignants-désobéisseurs du primaire, les professeurs du secondaire ont à leur tour pris le chemin de la résistance ouverte. « En conscience, je refuse d’obéir », écrivions-nous à notre hiérarchie pour signifier notre refus d’être complices de dispositifs pédagogiques imposés qui reniaient l’éthique de notre métier et de nos missions. Tout particulièrement, les évaluations nationales standardisées prémisses à la mise en concurrence des établissements scolaires, mais aussi les nouveaux programmes rétrogrades, l’aide personnalisée qui masquait la suppression des RASED et le fichier Base Elèves.

Aujourd’hui, après moultes pétitions, grèves et manifestations qui n’ont pas permis le moindre début d’un dialogue avec le ministre, signe d’un incommensurable mépris à leur encontre, les enseignants du secondaire n’ont eu d’autre choix que de retenir les notes du bac pendant quelques jours ou de refuser de siéger dans des jurys aux pratiques illégales, grippant sérieusement la machine pourtant bien huilée de cet examen national. Une grève-résistance inédite pour mieux se faire entendre, pour exprimer leur détermination face au ministre, mais surtout pour rester dignes. Dignes de leur investissement quotidien au service de la réussite des élèves face à un pouvoir qui déconstruit progressivement le service public d’éducation. Au nom de cette dignité si souvent bafouée, le refus d’obéissance est apparu comme l’ultime moyen d’action pour continuer à se regarder dans la glace le matin. Désobéir pour résister, désobéir pour ne pas perdre son âme d’enseignant, désobéir pour rester fidèle aux valeurs inhérentes à leur métier.

Quand un ministre se situe dans une telle logique d’affrontement avec les personnels qu’il a mission de protéger, d’encourager, d’aider et de valoriser, il ne faut pas s’étonner qu’en retour la riposte soit à la hauteur du climat de défiance qu’il entretient avec les enseignants. Oser parler de « prise d’otages » des familles et des élèves, oser qualifier l’action des enseignants de « sacrilège » en dit long sur ce pouvoir qui criminalise toute contestation et qui la réprime avec une brutalité rarement égalée sous la Ve République.

 

En vérité, ce pouvoir déteste le peuple qui se révolte et exècre ces enseignants qui refusent l’obéissance inconditionnelle et dont la mission est justement de former des esprits libres et éclairés.

En bafouant la liberté d’expression des enseignants, en remettant en cause l’égalité entre les élèves, le ministère s’est lui-même placé en dehors de l’État de droit. Lui obéir sans discernement revenait à cautionner cette illégalité.

Face aux menaces de sanctions financières brandies par le ministre, la réplique se situe dans les caisses de solidarité. Nous l’avons vécu il y a dix ans. Tous les enseignants-désobéisseurs ont tenu grâce au soutien des parents d’élèves, des citoyens et des enseignants qui alimentaient la caisse nationale de solidarité. Ce n’était pas des jours de grève qu’il s’agissait de compenser, puisque les enseignants-désobéisseurs étaient présents devant leurs élèves, mais des journées entières de retenues sur salaire pour ne pas avoir appliqué à la lettre le dispositif de l’aide personnalisée ou pour ne pas avoir transmis les résultats des évaluations nationales. Si demain le ministère met en œuvre ces sanctions, il franchira la ligne rouge. Mais la répression ne signifiera pas la fin du mouvement, elle sera une nouvelle étape pour élargir la solidarité citoyenne autour des revendications des enseignants-grévistes /désobéisseurs qui, jamais, ne pénalisent les élèves, et qui, aujourd’hui, prennent des risques professionnels dans l’intérêt de leurs élèves.

La volonté ministérielle et étatique est de caporaliser toute la profession enseignante en la soumettant à des injonctions et des directives condamnables tant sur le plan éthique que pédagogique. Tout comme la jeunesse qui est aujourd’hui embrigadée et soumise à travers le SNU régenté par les rectorats. Le seul enjeu de ces réformes scélérates contre le service public d’éducation est de savoir si les enseignants, tant du premier degré que du second, y consentiront par leur obéissance complice ou y résisteront par une désobéissance ciblée, assumée, éthique et responsable. Quand un fonctionnaire a la conviction que son obéissance le rend complice d’une politique injuste, il a le devoir de désobéir. En conscience et en responsabilité. Quoiqu’il en coûte. Dès la prochaine rentrée.

ALAIN REFALO

26-28 août 2019 : université d’été des enseignant.e.s et de l’éducation

APPEL aux enseignant.e.s du primaire, du secondaire et du supérieur.

Le temps est venu pour les enseignants de France de prendre leur destin en main. La première université d’été des enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur se tiendra à la Cartoucherie de Vincennes les 26, 27 et 28 août 2019. Les inscriptions sont officiellement ouvertes par l’intermédiaire du site HelloAsso. Vous pouvez y accéder directement en cliquant ici. L’université d’été émane des luttes contre les réformes Blanquer et les prolonge naturellement. Elle s’inscrit en relais entre les mouvements de grève de l’année passée et ceux de la rentrée. Elle s’inscrit également dans le temps long d’une refondation de l’école. L’université a été lancée par un appel signé par de nombreux enseignants, collectifs, associations et syndicats. Retrouvez le programme ici : uee.education