L’Afrique à vélo en solidaire

L’Afrique à vélo en solidaire

Des voyages à vélo en Afrique organisés dans un esprit de solidarité qui participent à faire vivre des guides, des familles, des campements. Une association qui ne cherche pas à faire de bénéfices et qui propose les tarifs les plus justes aux voyageurs. C’est une initiative de l’effervescent écolo breton Daniel Le Bigot autour d’une équipe africaine qualifiée et conviviale. Africavélo nous propose de “découvrir, partager le voyage en solidaire”, une immersion au cœur de l’Afrique, un autre regard, au rythme des cultures locales, à l’écoute de la nature. En groupe, en famille, entre amoureux, entre ami.e.s aguerri.e.s ou pas au VTT. Le cadre est posé. Le tableau est magnifique. Ambiance.

 

L
a ville de Sedhiou, au cœur de la Casamance, se réveille doucement sous un soleil blanc qui roule sur l’horizon. C’est l’heure du départ pour le groupe de cyclistes qui va, durant une dizaine de jours, parcourir le sud Sénégal. Il fait 18 degrés, une température idéale pour pédaler. Dès les premiers kilomètres, les odeurs fortes du marché aux poissons surprennent les narines de ceux qui viennent pour la première fois rencontrer ce petit morceau d’Afrique qu’est la Casamance. Le chemin en forme de montagnes russes serpente le long du bolong jusqu’à Dakabantang. Le pique-nique sardines tomates et la sieste à l’ombre d’un manguier seront les bienvenus avant de reprendre la piste. Ce soir, la troupe dormira à la belle étoile sur les tapis déposés par Mané, habitant du village. Les enfants sont excités comme des puces, dans la nuit c’est une centaine de paires d’yeux qui entourent le bivouac. Les femmes ont préparé un tiéboudien avant de se mettre à danser dans la cour. C’est peu à peu tout le village qui vient gentiment se moquer des toubabs. Après une nuit animée par le passage d’un troupeau de chèvres, les élucubrations d’un âne et la voix éraillée du muezzin au petit matin, le voyage se poursuit sur la piste vers Bignona. Une belle balade à travers la forêt de tecks… trop souvent pillées et incendiées.

 

Les campements villageois comme outil de développement

Baïla, à mi-chemin entre Bignona et Diouloulou, est un peu la capitale de l’association Quimpéroise Dimbali, qui par “Africavélo” propose ces voyages dont le but est double. D’abord faire connaître l’Afrique de l’intérieur en passant et en s’arrêtant dans les villages. Le rythme du vélo est pour cela idéal. Suffisamment lent pour rentrer en contact et cependant efficace pour afficher une bonne cinquantaine de kilomètres par jour. Le cycliste est silencieux, il passe sans déranger la quiétude des forêts, la nonchalance des villageois, ils saluent de la main ces insolites visiteurs. L’autre but est d’apporter une aide économique aux villages traversés. Pour chaque halte, c’est 200 000 CFA (soit 300 euros) qui permettent aux « campements » d’être entretenus, aux femmes de préparer les repas. Bien entendu en comparaison de ce que coûte une demi-pension en France, la somme paraît dérisoire ; elle permet pourtant à une structure de village de faire travailler les gens. Il suffirait d’un groupe par mois pour maintenir ce type d’accueil villageois.

 

La confiture pour valoriser les mangues

À Baïla, l’association Dimbali va plus loin. Suite à une rencontre avec Maïmouna, c’est véritablement un partenariat qui s’est installé. Aujourd’hui, au village, une unité de valorisation de la mangue par séchage et fabrication de confitures a vu le jour, en grande partie financée par l’association. Oulimata travaille avec une collectivité d’une dizaine de femmes qui récoltent les mangues et les travaillent pour la commercialisation. La limite, à ce jour, est justement le débouché car si le marché sénégalais de la confiture est en augmentation, il ne suffit pas dans la région à maintenir une activité continue. La plupart des hôtels ou restaurants de la côte préfèrent encore s’approvisionner en confitures « made in Paris ». Quant à l’exportation vers l’Europe, l’obtention des autorisations est tellement compliquée qu’elle reste une chimère pour Oulimata et ses amies.

 

Une fusée bien inoffensive

À Baïla encore une autre rencontre, plus récente celle-là, a permis de lancer une fabrication d’éco-fourneaux. L’idée n’est pas nouvelle, elle vient d’Amérique latine ou une association, “Bolivia Inti”, a déjà développé un produit similaire. Le nom d’origine est d’ailleurs « rocket stove », comme fusée, à cause du bruit que fait le fourneau (un petit schéma plutôt qu’un grand discours va vous faire découvrir son fonctionnement).

 

Aujourd’hui Baïla possède un atelier 40 m2 équipé de meuleuses, de postes de soudure et du petit matériel de métallurgie où Idrissa et ses trois compagnons fabriquent une cinquantaine d’éco-fourneaux tous les mois.

Les vertus de l’éco-fourneau

La protection de l’environnement, la lutte contre la déforestation, la diminution des émissions de CO2, l’amélioration des conditions de vie des femmes et des créations d’emplois parfaitement localisés.

L’éco-fourneau consomme quatre fois moins de bois que le fourneau trois pierres classique tout en permettant de faire le poulet yassa ou le tiéboudien comme l’ont toujours fait les Sénégalaises, à la traditionnelle. Il fait gagner du temps aux femmes et aux enfants qui doivent aller ramasser le bois, et par une combustion plus efficace, il réduit les fumées. Moins de nez qui coulent, d’yeux qui pleurent, c’est une meilleure santé. Pour Idrissa et ses trois compagnons qui possédaient une formation en métallurgie, la fabrication des éco-fourneaux est une aubaine. Vendu 10 000 CFA l’unité, il ne dégage pour l’heure qu’un salaire moyen de 50 000 CFA (75 euros) mais l’objectif est bien de passer à 100 appareils par mois, ce qui doublera les salaires. À titre de comparaison, un instituteur reçoit de l’État une rémunération mensuelle de près de 150 euros

Le coût de fabrication d’un éco-fourneau est de l’ordre de 14 000 CFA. C’est l’association Dimbali qui abonde à hauteur de 4 000 CFA, soit 6 euros, chaque appareil fabriqué. Pour que cette aide soit possible, Dimbali fait appel aux dons et invite chaque voyageur de « l’Afrique à vélo » à verser 50 euros sous forme de don à l’économie locale.

La Casamance riche en biodiversité

Mais le voyage ne se termine pas à Baïla, les jambes vont encore mouliner jusqu’à Affiniam où les attend Lucile, dans un campement village original en forme de case à impluvium. Le couchage y est sommaire mais l’accueil tellement sympathique. Même les chauves-souris s’y mettent dans le plafond des chambres pour chasser les moustiques. Le lendemain, après une visite de l’école et du dispensaire où seront laissés des stylos et les médicaments, une petite traversée en pirogue entre martins-pêcheurs, aigles pêcheurs, hérons goliath permet d’aller saluer les lamantins, que l’on nomme aussi les vaches de mer, de la pointe Saint-Georges.

L’Afrique est un immense continent pour lequel les Européens, marqués dans leur conscience par l’histoire de l’esclavage gardent plein d’aprioris. Aller ainsi, doucement au rythme du pays dans le cœur de la Casamance permet de rencontrer les gens dans les villages, de vivre avec eux, de partager leurs projets. Ce moment précieux participe largement à la connaissance, à la compréhension et au rapprochement des peuples.

 

Visitez le magnifique site africavelo.com. Découvrez entre autres le reportage diffusé par le journal télévisé de FRANCE 2 (5 mn 1/2) le 6 mai dernier consacré au dernier voyage en solidaire en Casamance à vélo.