Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait nom de Dieu ?

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait nom de Dieu ?

De manière inédite, le résultat des élections européennes paraît modifier le paysage politique en France. En effet, la stratégie “Mélenchon” de la France Insoumise s’est révélée contre-productive ; la droite classique s’effondre et les écologistes font un bon score pendant que les forces les plus dangereuses et récessives progressent partout.

C
e résultat qui montre que l’enjeu écologique est primordial, le clivage productivisme libéral/écologisme social prend corps mais ne doit pas faire oublier qu’il ne met personne en capacité de peser sérieusement dans le débat public et de représenter une alternative au capitalisme néolibéral. 

La responsabilité de toutes et tous, et notamment des écologistes, c’est bien de ne pas rester dans le confort de nos petites églises renforcées ou demi-détruites où nous rejetons la faute sur les “ami.e.s” d’à côté – dans le bon culte du « narcissisme de la petite différence » ? Eh bien, oui ! Allez, on pose nos “clous rouillés” (outils en argot) et on se pense : comment faire collectivement pour sortir de ce marigot politique riquiqui, nous toutes et tous qui prétendons défendre l’humanité qui va avec une planète vivante dans sa diversité ? 

 

Fi des insultes, des rancœurs, des reproches, des haines irraisonnées ? On y va, dans la modestie et l’humilité, s’asseoir sous la tente de l’espérance ?

Alors maintenant, fi des insultes, des rancœurs, des reproches permanents, des haines irraisonnées ? On y va dans la modestie et l’humilité s’asseoir sous la tente de l’espérance, fumer le calumet de la paix (avec un peu d’herbe, ça détendra les coincé.e.s structurel.le.s ?) et palabrer ? On y va tenir nos promesses de co-construire un monde viable pour toutes et tous, une méthode et des outils pour aider à cette construction commune ? Ces toutes et tous qui sont politiquement tellement en avance sur ce qui devrait les représenter : partis, syndicats, associations.

« On » ? Évidemment, celles et ceux qui savent profondément qu’on ne parviendra à cet objectif qu’en s’insurgeant contre ce système qu’on appelle libéralisme, capitalisme, magouilles et escroqueries sociales et financières, crimes en tous genres…

C’est en forgeant qu’on devient forgeron, en politisant qu’on devient politique ou polisson.

Pouvons-nous nous donner enfin les moyens d’y croire ?

Attention ! Le bon résultat des écologistes ne doit pas faire perdre la tête à Europe Écologie Les Verts. D’ailleurs, ça n’est pas la première fois que le parti de l’écologie politique remporte une grande victoire : en 2009, le résultat (16,28 %) était même meilleur. Qu’en a fait EÉLV ? Le mouvement s’est cru central, incontournable, indispensable, pensant pouvoir réussir seul, et en bout de course a gâché l’espoir.

Ayant assisté à une réunion régionale d’une instance d’EÉLV deux jours après ce succès 2019, les échanges que j’ai entendus me donnent l’impression que l’on est en train de reproduire les mêmes débats qui ne peuvent que nous entraîner au même échec. Certains affirment que ça n’a rien à voir : en 2009, on a fusionné Les Verts et Europe Écologie alors qu’aujourd’hui, nous avons un appareil de parti solide. Oui, un parti de 4 000 membres qui vont ensemble changer le monde et la société, ni plus ni moins.

Si l’écologie est bien au centre du débat du fait du dérèglement climatique et de la perte de biodiversité, cela ne signifie pas que EÉLV devient lui-même le centre de la recomposition politique et que tout doit tourner autour de nous. Des “cadres” du parti, éblouis par le score, pensent qu’il n’est pas question de se refonder avec d’autres mouvements proches qui viendraient d’une histoire autre que celle de l’écologie. Mélenchon a pensé de la même manière en 2017, ne concevant l’union que derrière lui : on voit où il en est maintenant.

Ces adhérents écolos, aveuglés par le succès, oublient toute analyse rationnelle. Ils se réjouissent que les jeunes aient choisi l’écologie et les considèrent maintenant comme acquis pour toujours ; ils gomment la volatilité du vote des jeunes et surtout la forte abstention de cette classe d’âge.

Pour ces militant.e.s, tout est devenu simple. Aux municipales, il faut faire des listes autonomes 100 % écolo, ouvertes à la société civile bien sûr, mais surtout pas à d’autres partis, et mener campagne en allant chercher les gens au moyen du porte-à-porte ; aucune étude ne confirme vraiment l’efficacité de ce moyen. Puis, le porte-à-porte individualise l’échange politique au détriment du débat collectif.

Ils imaginent gagner des villes afin de montrer la réalité des politiques écologistes, même quand le groupe local ne compte que trois ou quatre membres ; aucune prise en compte du rapport de force. Ils n’évoquent pas la nécessité de s’appuyer sur une base sociale qui se construit dans les luttes diverses de proximité.

Ces brillant.e.s politiques veulent surtout aller vite – étrange pour des écologistes qui préfèrent en général la lenteur, bien plus compatible avec les décisions de long terme. Surtout, la vitesse favorise l’action au détriment de la pensée et la réflexion.

Bon ! Il y a du travail.

ALAIN FOURNIER