Plein la Vue : « Des arbres pas des pubs »

Plein la Vue : « Des arbres pas des pubs »

Carte blanche au Collectif Plein la Vue

Le Collectif Plein la Vue, créé fin 2017, a pour but de faire diminuer la pression publicitaire dans la Métropole de Lyon : moins de panneaux, plus petits, pas d’écrans vidéo publicitaires, etc. Nous sommes un collectif a-partisan, pour autant nous faisons de la politique, car nous participons à la « vie de la cité ».

 

I – La nocivité de la publicité

L
a publicité est vectrice de nuisances massives, sans qu’il soit possible de leur trouver une quelconque utilité pour l’intérêt général. En effet, instituées au bénéfice d’une minorité, 0,0002 % des entreprises françaises monopolisent 80 % des publicités (renforçant de facto les inégalités entre les grandes chaînes et les petits commerçants). L’objectif est, bien évidemment, de pousser à l’achat, faisant ainsi l’apologie d’une société de surconsommation. En créant des besoins, elle incite à acheter, encore et toujours. Elle est en cela un des piliers de notre société consumériste qui détruit sciemment notre planète et l’avenir de la vie telle que nous la connaissons.

Si l’urgence climatique n’a jamais été aussi forte, le système publicitaire lui aussi s’impose toujours un peu plus dans nos vies.

On constate de manière générale que la publicité est de plus en plus en plus agressive et invasive. Il y a vingt ans, on ne trouvait encore que des panneaux fixes présentant une simple publicité en papier. Puis arrivèrent les panneaux lumineux défilant. Aujourd’hui ce sont les écrans numériques, qui peuplent déjà nos métros ou nos gares, que certains de nos élus souhaitent nous imposer dans nos villes.

Ce nouveau mode de diffusion viendrait augmenter le nombre de messages publicitaires que nous recevons par jour. Actuellement c’est en moyenne entre 1200 et 2200 injonctions à la consommation qui nous sont adressées quotidiennement. Or, s’il demeure possible d’éteindre sa télévision ou d’installer des bloqueurs sur son ordinateur, il est impossible d’échapper aux panneaux placés dans la rue. Si l’on parle beaucoup de la liberté d’expression, qu’en est-il de la liberté de réception ? L’espace public est ici accaparé au bénéfice de quelques grandes marques, au détriment de chacun.

Outre le fait d’augmenter le nombre de messages pouvant être diffusés, les publicités numériques représentent un réel danger pour notre vie privée. Elles sont équipées de « capteurs d’audience » qui permettent de connaître le profil des passants via des interactions avec leurs smartphones notamment. Ces capteurs permettent de cibler les publicités en fonction des personnes passant les écrans.

Ils sont aussi très accentogènes. Étant animés, ils attirent l’attention des passants en utilisant nos réflexes reptiliens, provoquent une surcharge cognitive qui entraîne stress et fatigue. Ces caractéristiques, recherchées par les publicitaires, ont un coût, l’augmentation des accidents de la route, entre 25% et 29% selon les lieux. Encore une fois, la publicité est imposée au détriment du plus grand nombre.

S’agissant des impacts environnementaux de la publicité, il ne faut pas oublier l’énergie nécessaire au système publicitaire. Un panneau numérique de 2 m² consomme 7 000 KWH / an, soit la consommation d’un couple avec enfant. Il va sans dire que les écrans numériques consommeront sûrement beaucoup plus d’électricité. À l’heure où l’on promeut les économies d’énergie, est-il vraiment nécessaire d’en consommer autant… pour éclairer la photo d’une paire de baskets ?

Un autre effet pervers de la publicité est l’influence qu’elle a sur la population. Toutes les manipulations sont bonnes pour faire acheter, faire passer des produits pour ce qu’ils ne sont pas. Pour cela, elles influencent nos goûts, nos besoins, en utilisant des procédés de plus en plus sophistiqués inspirés des neurosciences. Conscient de l’effet abusif de la publicité, l’État a limité la publicité pour les enfants sur les chaînes publiques, suivant en cela d’autres pays européens comme l’Espagne, la Suède, ou la Grande-Bretagne, jugeant notamment qu’elle encourage des préférences alimentaires nocives pour la santé ainsi qu’une dépendance aux marques.

Ces manipulations sont très visibles dans les clichés véhiculés : représentations sexistes, avec des femmes écervelées, soumises, ou en position d’objets sexuels. Ils promeuvent également une image de la beauté féminine qui a des conséquences réelles pour des jeunes filles poussées vers l’anorexie ou d’autres troubles comportementaux. De plus, ces publicités participent à entretenir des tabous. Il faut attendre 2018 pour qu’une publicité pour des protections hygiéniques contienne du sang et non du liquide bleu.

Notons enfin que la publicité constitue une pollution. Une pollution esthétique tout d’abord, installées aux carrefours et dans les lieux emblématiques de nos villes, les publicités défigurent nos paysages urbains, nos monuments. Récemment à Lyon, une publicité géante de Deliveroo montrant un burger contenant un gros steak a été installée au-dessus du Veilleur de pierre, monument en hommage aux victimes du boucher de Lyon, Klauss Barbie… Le mauvais goût incarné.

Elles sont aussi une agression lumineuse, car les écrans vidéo numériques à base de LEDs émettent une partie importante de leur flux lumineux dans la partie bleue du spectre, ce qui est particulièrement nocif en termes d’impact environnemental avec des conséquences avérées sur la santé humaine et les espèces animales. À titre d’exemple, une étude récente a montré qu’à Paris la contribution du mobilier urbain éclairé (dont la plus grande partie supporte de la publicité) à la pollution lumineuse suffit à elle seule à « éteindre » le ciel de Paris. Bien au-delà de l’aspect romantique des étoiles, les conséquences pour la faune ont été démontrées.

Pour certains de nos élus, toutes ces conséquences négatives sont justifiées par les rentrées d’argent que cela procure aux collectivités. Sans revenir sur le fait que cela revient à vendre le bien-être des citoyens au plus offrant, au mépris de la liberté de non-réception, qu’en est-il réellement ? Les recettes publicitaires pour les collectivités représentent moins de 1% du budget de fonctionnement des communes. De plus, avec l’arrivée massive des publicités sur internet ou dans les journaux gratuits, les contrats pour l’affichage public sont orientés à la baisse. Un média, néfaste pour l’intérêt général, qui ne rapporte que très peu aux finances de la collectivité, mais dont beaucoup d’élus soutiennent le développement, c’est à n’y plus rien comprendre…

Le système publicitaire promeut une société de consommation qui participe grandement aux changements climatiques auxquels nous sommes confrontés. Il est donc nécessaire et urgent de lutter pour que la place de la publicité diminue voire disparaisse dans nos vies.

 

II- Nos actions

Afin de lutter contre l’omniprésence de la publicité et peser sur le contenu du prochain Règlement Local de Publicité Intercommunal (RLPI), le Collectif réalise de nombreuses actions de rues et de plaidoyer afin de sensibiliser les habitant.e.s et les élu.e.s de la Métropole. Le RLPI va légiférer sur la place de la publicité dans la métropole lyonnaise (chaque intercommunalité pouvant en principe réaliser son propre RLPI) pour les années voire les décennies à venir. Nous souhaitons un Règlement qui acte la forte diminution de la pression publicitaire dans nos communes. Notamment au niveau du projet d’installation de nouveaux écrans vidéo publicitaires, particulièrement dangereux pour l’ensemble de la société, comme nous l’avons expliqué précédemment. Pour cela nous menons de nombreuses actions.

Depuis 2017 nous menons un travail de fond pour apporter des éléments à la Métropole afin de lui démontrer les effets négatifs de la publicité.

Notre travail de plaidoyer a commencé par le lancement d’une pétition « Des arbres pas des pubs – libérons la Métropole lyonnaise de la pression publicitaire », relayée notamment par la chaîne You Tube Partager c’est sympa de Vincent Verzat. Elle a recueilli plus de 13 000 signatures. Fort de ce soutien massif de la population métropolitaine nous avons pu participer à la concertation officielle du Grand Lyon, au cours de laquelle nous avons apporté de nombreux éléments de travail d’arguments aux Services de la Métropole.

Au fur et à mesure que la procédure avançait, nous avons constaté que les élu.e.s qui portaient le projet de RLPI n’avaient aucun argument valable permettant de justifier leur volonté d’augmenter la pression publicitaire. Il nous a tout d’abord été opposé le fait qu’il était impossible d’interdire certains dispositifs publicitaires. Or cette justification n’est pas vraie juridiquement. Par ailleurs, de l’aveu de certain.e.s élu.e.s, il a été avéré que la publicité ne représente pas une source importante de financement pour  la Métropole. L’argument économique n’explique donc pas la volonté d’implanter ces nouveaux supports publicitaires.

En 2018 c’est vers les petits commerçants que nous nous sommes tournés, pour connaître leur rapport à la publicité. Nous avons constaté que ces commerçants n’avaient pas du tout accès au système publicitaire présent sur l’espace public. Cela engendre de très fortes inégalités. À l’heure où de nombreux maires et citoyens se plaignent de la désertion des centres villes par les petits commerçants (tout en autorisant l’implantation de centres commerciaux toujours plus grands), augmenter ces inégalités renforce le système capitaliste. Les petits commerçants sont autant d’alternatives au monopole des grandes enseignes.

Pour avoir une vision complète, nous avons réalisé des micros-trottoirs sur la question des écrans vidéos publicitaires. Cette première consultation, très empirique et peu scientifique, (plus empirique que scientifique ?) a tout de même montré que beaucoup de personnes interrogées se déclaraient défavorables aux écrans.

Notre stratégie vise avant tout les élu.e.s métropolitains et communaux. Nous avons donc rencontré une trentaine de maires et de groupes politiques pour discuter de la place de la publicité dans la métropole.

Afin de pouvoir donner plus d’ampleur à nos mouvements, nous avons décidé de nous associer avec l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP). Nous nous sommes notamment joints à eux pour participer à l’organisation de la plus grande manifestation jamais organisée en France sur le thème de la publicité, lors des journées mondiales contre la publicité en 2018 et 2019.

Nous sommes présents aussi au côté de RAP à chaque marche climat pour réaliser des recouvrements publicitaires. Nous recouvrons les panneaux publicitaires de messages dénonçant les dangers de la publicité et en faveur de l’environnement.

Petit à petit, nous sommes devenus un acteur important de la lutte contre la publicité à l’échelle de la Métropole. Nous avons eu l’idée d’organiser une consultation, en partenariat avec l’Union des Comités d’Intérêts Locaux (UCIL), objective et le plus neutre possible pour recueillir l’avis des métropolitains sur la publicité. Le sérieux de la démarche a d’ailleurs été salué par la Métropole. Ce fut une grande réussite, plus de 8000 personnes ont répondu. Les résultats sont sans appel : 97% des interrogés se prononcent contre l’implantation des écrans numériques vidéos. De manière générale, 92% trouvent qu’il y a trop de publicités. Ces chiffres prouvent encore une fois que les citoyens sont largement opposés à la publicité.

Cependant, malgré ces nombreuses actions, nous avons constaté que nos arguments n’étaient toujours pas entendus par les élu.e.s. Ainsi, nous avons décidé en mai dernier de retourner à leur rencontre, tout en continuant de sensibiliser la population sur le prochain vote du RLPI. Pour ce faire, une trentaine d’activistes de ANV COP 21, RAP et PLV se sont rendus dans les marchés de cinq villes de la Métropole. Là-bas ces activistes ont pu faire signer aux habitants de la Métropole une lettre certifiant leur opposition à l’arrivée de nouveaux écrans vidéo publicitaires, lettres qui ont ensuite été placées dans 5 urnes, remises aux maires de ces communes. À la suite de cette action, trois maires (Villeurbanne, Bron, Vénissieux), ont souhaité nous rencontrer afin de pouvoir échanger sur l’adoption prochaine du RLPI.

Les différentes actions que nous avons menées ont permis de faire de la publicité un sujet politique important au sein de la Métropole. À l’approche des élections municipales, les élu.e.s savent qu’ils ne vont plus pouvoir faire la sourde oreille aux demandes des citoyens. Nos actions poussent les élu.e.s à se justifier devant les citoyens quant à la place de la publicité, ce qui met à jour des désaccords (nous leur demandons par exemple en quoi l’arrivée des écrans et enseignes numériques dans les rues de la Métropole favoriserait le cadre de vie des citoyens – objet premier du RLPI). Il est plus simple d’adopter ce genre de projet en privé que quand il est au centre de l’attention des citoyens. À l’origine le RPLI devait être voté à l’automne 2018, le vote a été reporté plusieurs fois, car certains élu.e.s ont pris conscience que les citoyens ne voulaient pas de ces écrans. Nous continuons de porter notre combat jusqu’à ce que nous soyons entendus et que la Métropole de Lyon prenne ses responsabilités en limitant drastiquement la place de la publicité.

Rejoignez-nous !

Nous remercions « Le Bruit des Arbres »
de nous avoir proposé cette carte blanche.
Voir le site du Collectif Plein la Vue

Des arbres pas des pubs !