« Big Bang, il est grand temps »

« Big Bang, il est grand temps »

Carte blanche au BIG BANG

Par CLÉMENTINE AUTAIN et ELSA FAUCILLON, députées insoumise et communiste

« C’est parti d’une colère et d’un sentiment d’urgence. La gauche de transformation sociale et écologiste n’a pas réussi à mûrir et à se fédérer à temps. Les résultats des élections européennes ont sonné comme un avertissement. »

L
a macronie n’a pas dévalé le tobogan autant que nous aurions pu le croire, l’espérer : elle s’accroche. En face, c’est l’extrême droite rebaptisée RN et boostée par les percées trumpistes à l’échelle internationale qui poursuit son ancrage, notamment chez les jeunes et dans les milieux populaires. Qui arrive à déjouer ce duel menaçant ? Personne pour l’instant, aucune formation dans la gauche et l’écologie, aucun leader n’apparaît en mesure de damner le pion à ce scénario infernal. Et l’heure tourne. Le réchauffement climatique met en péril la vie humaine. Les effets couplés de l’austérité budgétaire, de la dérégulation et de la financiarisation de l’économie plongent nos sociétés dans la paupérisation et la perte de sens. Le contrôle social s’accroit à mesure que le libéralisme se débride, de façon effrénée

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« La technocratie a pris le pas sur la démocratie, le mérite sur l’égalité »

Le propos en 140 signes et le clash permanent sur l’intelligence du débat public. « Ne pense plus, dépense » nous dit ce nouveau monde qui n’en est pas un. Nous en sommes là. L’option du repli et de l’ordre apparaît comme un refuge, en forme de revanche contre la mondialisation du capital et la folie consumériste. Pour l’instant, l’espoir d’une issue de progrès humains aux désordres contemporains semble un mirage pour celles et ceux qui rêvent d’un monde soutenable et émancipateur. Les suffrages sont hésitants, se réfugient dans l’abstention, se cristallisent ici et puis là, preuve d’une insatisfaction persistante du côté de la gauche et de l’écologie. Le mot lui-même a perdu de son aspérité et de son sens, singulièrement en France depuis l’ère Hollande. Le pan révolutionnaire de la gauche avait auparavant valdingué avec l’échec des expériences de type soviétique.

« Si les ponts sont dressés là où tant ont érigé des murs, nous pouvons imaginer sortir de la nasse »

Le côté réformiste s’est évaporé dans les impasses de la social-démocratie en Europe. Dans le même temps, la tradition du mouvement ouvrier s’est heurtée à de nouveaux défis imposées notamment par l’essor de l’écologie, du féminisme ou de l’anti-racisme. Tous ces chocs nous ont mis à plat, et pas seulement en France puisque les effets se mesurent à l’échelle internationale. Si les raisons de ces chocs sont sérieusement travaillées et si les ponts sont dressés là où tant ont érigé des murs, nous pouvons imaginer sortir de la nasse. Surtout que nous ne partons pas d’une feuille blanche. Depuis plusieurs décennies, des jonctions ont été recherchées, des luttes communes ont été menées sur le terrain social, des productions intellectuelles ont nourri les idées et les possibles. Des jalons pour un nouveau tout, il y en a. Des expériences qui ont apporté des éléments de réponse mais sans transformer l’essai, il y en a eu aussi, et ce sont autant de point d’appui. Mais il faut tisser.

« Il faut inventer sans esprit de chapelle ni volonté hégémonique »

Il faut se parler, s’ouvrir sur la société, chercher de nouvelles convergences pour affronter efficacement les monstres qui menacent. C’est une voie sociale et écologiste qui se cherche. Parce qu’il n’y pas d’écologie conséquente sans justice sociale et sans affronter le pouvoir du capital. Et il n’y a pas d’émancipation humaine sans préservation de l’écosystème et remise en cause du productivisme. Cette voie qui conjugue tous les combats émancipateurs est l’antidote au vieux monde de la macronie et au populisme aussi xénophobe que climato-sceptique de la droite dure. C’est pourquoi nous avons lancé le big bang. Ni plus, ni moins.

 

Voir l’appel “Pour un big bang de la gauche” paru dans Le Monde le 4 juin 2019.

 

[NDLR : on n’a pas mis de photo d’Elsa pour illustrer cette carte blanche pourtant coécrite avec Clémentine parce qu’on n’en a pas ! Alors ami.e.s, avis : dès qu’on nous envoie une libre de droits, on l’ajoute :-))]