Biodiversité : les paroles et les actes

Biodiversité : les paroles et les actes

Emmanuel Macron défend l’accord de Paris sur le climat mais détruit les pouvoirs qui protègent la nature et les espèces en France, cohérence ?

 

L
e Conseil national de protection de la nature (CNPC) subit une attaque en règle de la politique libérale du Président Macron. Institution créée en 1946, il a un rôle d’expertise technique et scientifique sur toutes les questions de biodiversité terrestre, aquatique et marine. Il donne son avis sur les projets de textes législatifs ou réglementaires concernant ses domaines de compétences et sur les interventions humaines en milieux naturels dans un objectif de protection des milieux et des espèces (création d’espaces naturels protégés ou encore réglementation relative aux espèces protégées, ou aux espèces invasives, etc.).

La dépossession du CNPN de son rôle, de son périmètre de compétences, de la liste des espèces menacées, a pour objectif de mettre au silence une instance – consultative – qui veille à la protection de notre nature, c’est vous dire comment se gouvernement considère et entend écouter les contre-pouvoirs… C’est cet organe, avec les luttes locales et nationales et les différents recours en justice qui a permis de mettre en lumière la destruction irréversible des milieux naturels et de certaines espèces animales, qui avait en premier lieu été cachée par un saucissonnage des études d’impacts, qui a permis d’enterrer le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Si le hamster endémique proche de Strasbourg ne disparaît pas, ce sera grâce au sérieux du suivi des études du CNPN et des luttes locales contre le grand projet de contournement de Strasbourg. Demain, qui sera là pour cette petite bête face aux lobbies des transports et du béton ? Le CNPN, qui pointe aussi les incohérences et les dangers du projet Europacity, au triangle de Gonesse, au nord de Paris… L’affaiblissement de ses missions et de son rayonnement géographique donne une orientation complètement contraire à l’objectif d’enrayer la perte de biodiversité, alors que la perte des habitats naturels est la principale cause de perte de biodiversité.

 

Quand la décentralisation cache des mesures libérales

Sous couvert d’acte de décentralisation, les membres du CNPN le disent eux-mêmes : il s’agit de faire passer l’économie avant la protection de la nature et des espèces. 80 % des dossiers devraient être confiés aux conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), organes régionaux déjà surchargés par leurs rôles aux niveaux des régions, qui devraient maintenant donner leur avis – consultatif aussi – dans leur rayon géographique où on ne peut que soupçonner les mélanges des intérêts, voire des conflits d’intérêts, plus près de la pression des Préfets et collectivités locales…

Les espèces ne connaissent pas les limites administratives de notre grand territoire France. Alors que les alertes à la baisse jamais vues de la biodiversité se multiplient, le gouvernement se gausse de l’accord de Paris, et se dit plus écologiste que les autres (voir le greenwashing de la campagne européenne de La République en Marche d’Emmanuel Macron), car lui, agit !

Nous pourrions en rire, si ce n’était pas si grave.

Des procédures d’aménagements allégées pour la nature, ça coule de source…

Le texte du gouvernement ne s’arrête pas là. Les Agences régionales de santé (ARS), qui elles aussi étudient et donnent des avis sur les projets d’aménagements pouvant par exemple mettre la santé des riverains en jeu, ne seront plus systématiquement dans les rouages, elles le seront seulement pour les projets à portées environnementales, ou si le Préfet le trouve nécessaire… ! Ou si, lui-même, redoute ou pas une mutation… Les avis de L’Office nationale des forêts (ONF) ne seront également plus nécessaires pour les aménagements engendrant le défrichement d’un bois soumis au régime forestier. De même, les avis des organismes encadrant les ressources en eau sont également écartés.

 

Paroles de chercheurs et citoyen.ne.s responsables, eux :

Alors que la loi de 2016 visait à enrayer la disparition de la biodiversité, le gouvernement s’arrange à sa manière pour s’affranchir des règles dont il se gargarise. Loic Marion, chercheur au CNRS et membre du CNPN, entendu sur France Inter le 11 mai 2019 : « Le but était de ne pas enrayer par les avis du CNPN, les projets d’aménagements tous azimuts qui ont un impact économique. C’est au bénéfice de l’économie que l’on sacrifie la protection du patrimoine c’est-à-dire l’inverse exactement du discours officiel que l’on entend sur la protection de la nature et de la biodiversité, le discours d’un côté et les actes de l’autre… »

Dans la même séquence sur France Inter, dans « Le focus de la semaine » : « Dans la biodiversité comme pour le climat, c’est comme en amour : il faut des preuves ! »

Alexandre Gannier, chercheur sur les Cétacés, membres du CNPN, dit que « le gouvernement veut plus de fluidité dans les projets de développements économiques, un double langage qui fait croire que l’on protège, des animaux, des fleurs, des paysages, et puis derrière un besoin d’accélération pour cette sacro-sainte croissance des chiffres d’affaires, voilà… J’ai l’impression d’une révolution libérale à la Reagan ou à la Tatcher qui nous tombe dessus et qui tombe sur la nature, parce que la nature ne peut pas se défendre, elle ne vote pas, ne se défend pas… »

Écologistes, nous soutenons le CNPN et les rédacteurs de la tribune publiée dans Médiapart du 5 mai 2019, et tous les acteurs engagés dans les associations et auprès des experts scientifiques du CNPN pour préserver notre nature et sa biodiversité, dont nous faisons partie, dans leur combat contre la loi mortifère du béton ou du goudron ! La propension d’Emmanuel Macron au « faites ce que je dis, pas ce que je fais » se confirme sur le dos de la nature et de l’institution qui la défend depuis plus de 70  ans, PAS D’ACCORD !!!