Silence. Décence. Une minute s’il vous plaît

Silence. Décence. Une minute s’il vous plaît

Silence. Décence.
Une minute s’il vous plaît.

U
ne propriété du virus couronné est d’accélérer le temps. Non pas le temps, mais notre passage dans le temps. « Le temps s’en va, le temps s’en va, Madame, las le temps non mais nous nous en allons ». Il suffit de quelques semaines pour que ce que l’on écrit perde l’acuité que l’on croit nécessaire à la prestation journalistique. L’édito n’accroche plus, le fond devient un double fond, l’actualité est une oubliette.

Contre cela aussi nous nous élançons, à califourchon sur notre Rossinante !

À toi, lecteur, à toi, lectrice, de retrouver dans ce que le flot a déjà emporté, parmi ce qu’il rejette sur le sable, les morceaux d’un peu de permanence. Des bouts de pensées qui tiennent à quelque chose, un puzzle que ne défait pas chaque jour qui passe mais qui, au contraire, fait patiemment apparaître une nouvelle image. Une construction dont nous n’avons pas le plan.

Silence. Décence.
Une minute s’il vous plaît.

Comment peut-on noyer de mots l’horreur et la peine ? Ces gens qui livrent aux médias leur pensée toute faite au service de leur propre cause nous forcent, nous aussi, à prendre la parole, paradoxe, pour demander que l’on se taise, que l’on cesse, une minute, d’agiter les drapeaux.

Une minute de silence pendant laquelle nous entendrons peut-être le bruit des arbres. Une feuille d’automne qui se détache. Le vol d’un oiseau. La force de la vie qui se renouvelle.

Dans nos esprits, dans nos cœurs, dans notre âme, nous entendrons, non pas dans nos casernes, non pas de nos foules grégaires, nous entendrons « le fracas que fait un poète qu’on tue ». Poète ou professeur, homme ou femme libre.

Silence. Décence.
Une minute s’il vous plaît.

Peinture : Alain Coulombel

C’est quoi Le Bruit des Arbres ?
C’est qui ce journal ?