De l’école de la confiance à l’épreuve du Covid

De l’école de la confiance à l’épreuve du Covid

Ou comment rendre les gens fous à force d’injonctions contradictoires !

La « nécessaire » reprise de l’école a été exemplaire du mode de fonctionnement du gouvernement dans cette crise. Approximations, injonctions contradictoires, mensonges. Aux différents échelons, la personnalité des petit-e-s ou grand-e-s chef-fe-s, interprétant librement des textes flous …ou pas, s’est révélée.

A
u bout de la chaîne, les enseignant-e-s du primaire, les seul-e-s à avoir fait leur rentrée le jour où j’écris, et ces métiers mal connus des AVS, AESH (qui accompagnent les enfants à handicap, handicap souvent comportemental) des ATSEM, personnel communal qui œuvre en maternelle aux côtés des enseignants. À chaque instant les médias, et même les panneaux d’autoroute vous informent sur les gestes barrières, le virus toujours présent etc. …et vous apprenez qu’en France, ce sont les élèves les plus jeunes qui vont connaître les premiers les joies du déconfinement et de la Rentrée. Il faut sauver les décrocheurs, les enfants battus, les enfants confinés dans des espaces étriqués, ceux à qui la cantine fournissait le seul vrai repas.

Mais pourquoi, auparavant ou «  en même temps », on a disloqué la PMI (protection maternelle infantile) condamné les RASED (réseaux d’aide de maître-sse-s spécialisé-e-s pour les écoles) les dispositifs « plus de maîtres que de classes » éradiqués cette année, pendant le confinement ? Les réunions de famille ne devront pas excéder 10 personnes … les classes d’élémentaires peuvent accueillir 15 élèves, les maternelles 10. Plus le personnel, tout étant réduit à un calcul par rapport à la surface de classe.

Soyons honnêtes, pour l’instant, jusqu’à la fin du mois, chaque école peut s’organiser comme elle le souhaite. Mais qu’en sera-t-il début juin ? Le masque « inutile », on s’en souvient, devient obligatoire, par décret, pour les adultes en classe, pas pour les enfants … on le comprend mais on s’inquiète.

Appliquer rigoureusement le protocole de 54 pages pour le premier degré est non négociable…la circulaire de rentrée affirme : 1/SECURITE, 2/CONFIANCE, PRAGMATISME, PROGRESSIVITE, ADAPTATION mais lorsque la veille de la rentrée les conditions sanitaires ne sont pas réunies et que des directeurs/trices proposent le report d’un jour au grand dam de l’élu « le matériel est commandé, il est en route », ils sont convoqués par leur administration. Vous avez dit confiance ? On pouvait garder ses enfants de moins de 16 ans en assurant le nécessaire distanciel pour les élèves restés à la maison, et on découvre que certain-e-s supérieur-e-s ont interprété le texte en obligeant les parents d’enfant de moins de 3 ans d’attester sur l’honneur qu’ils n’ont pas de possibilité de garde…

Les notes et circulaires se contredisent, ne tiennent pas compte des votes du CHSCT ministériel …chaque petit-e ou grand-e chef-fe, interprète selon son humeur ou son humanité …ou les pressions subies : on doit pouvoir communiquer sur 1,5 millions d’enfants accueillis ! Heureusement la présence syndicale parvient parfois à limiter les dégâts. Appliquer scrupuleusement les consignes du protocole : distances physiques, sens de circulation, ne pas se croiser, se toucher, échanger des objets …désinfectés ou laissés « en repos « 5 jours (les livres) si quelqu’un les a touchés … se laver les mains 30 secondes (chantez « la souris verte » ! à l’arrivée, avant après le passage aux toilettes, avant après les récréations, avant le retour à la maison …avant de boire)…aérer la classe toutes les heures et demie environ …Tout en faisant de la pédagogie. Bien sûr. Rien de plus facile. Elèves au comportement violent et / ou imprévisibles ?

Une visio conférence destinées aux AESH devra leur permettre l’apprentissage des « gestes barrières » Si tout était si simple, on aurait peut être réussi à apprendre à ces enfants dès le départ à respecter les règles élémentaires du vivre ensemble ? Les textes pleuvent, se contredisent, sont infirmés par le ministre sur BFM TV… On nous annonce « de nombreuses ressources pédagogiques ». Chic ! je clique et découvre … « le Programme de Maternelle », clic sur le lien suivant : priorité au langage, avec les jeux de société, les jeux d’imitation … les mêmes qu’on vient de mettre hors de portée des enfants car interdits … Importance des activités physiques pour ces enfants confinés : mais la salle de motricité devant être désinfectée entre chaque groupe, ça va être compliqué …et dehors ? Ne pas toucher d’objets, ne pas se toucher, distances physiques habituelles, mais 5 mètres si on trottine, 10 mètres si on court …

Après avoir surveillé quelques récrés, on commence par comprendre (sans l’avouer bien sûr) les collègues qui ont tracé ces carrés à la craie dans la cour, photo partagée sur les réseaux sociaux qui a suscité l’indignation générale : recule, pas si près ! On ne prête pas sa corde à sauter ! Etc. etc.

Enfin, les directeurs/trices pour la plupart chargé-e-s de classe : ils/elles ont été le pilier du retour en classe, assurant le lien avec les collègues, les parents, la mairie, (sanitaires, personnel), et mènent de front présentiel, distanciel, direction, coordination des différent-e-s acteurs actrices impliqué-e-s dans ce processus inédit. L’administration a loué leur disponibilité, vacances WE et jours fériés compris, reconnaît leur surmenage, leur dévouement…et on leur demande maintenant de remplir 3 volets de questionnaires, enquêtes quantitatives qui serviront à quoi ? À qui ? Mais qui « ne prendrons que quelques minutes ». Qu’ils aient une conscience politique ou non, un fond rebelle ou non, les enseignant-e-s sont confronté-e-s chaque jour à tellement d’aberrations, d’ordres contre ordres, consignes défis au bon sens et à la connaissance de la réalité du terrain ; interprétations à géométrie variables des textes dont ils sont inondés dans leurs boîtes mails, qu’ils/elles ont bien du mal à assurer sereinement leur travail.

Pour le moins aurons nous appris à nous laver les mains …comme Ponce Pilate ?

Une enseignante dépitée
mais néanmoins solidaire et sur le pont